Vedette
Et si... les villes devenaient de grands potagers ?
Croissance de la population, changement climatique et rareté des ressources font les gros titres actuellement. Or, le futur alimentaire s’est aussi invité dans la discussion récemment.
Sommité mondiale en matière de pathologies des plantes, Ernst van den Ende affirme que la planète devra au cours des quatre prochaines décennies produire plus d’aliments que ce qui a été récolté au cours des 8 000 dernières années. C’est énorme si l’on pense que nos pratiques agricoles actuelles utilisent plus du tiers de nos régions libres de glace et 30 pour cent de l’eau potable, en plus de produire la moitié des émissions mondiales de GES.
Selon l’Institut canadien des politiques agroalimentaires, d’ici 2025, le Canada envisage d'augmenter la valeur de ses exportations agricoles de 50 pour cent et produire 10 pour cent de plus de denrées alimentaires pour la consommation dans nos foyers. Pourtant, seuls 5 pour cent de l’ensemble du territoire canadien sont aptes à l’agriculture.
D’ici 2050, les prévisions pour le Canada indiquent que :
- la population augmentera de 30 pour cent ;
- en raison de l’augmentation de la température, les pertes annuelles en eau s’élèveront à environ 3,5 kilomètres cubes, juste ce qu’il faut pour fournir tous les ménages canadiens ;
- la température annuelle moyenne augmentera de 3 à 5 degrés Celsius et l’instabilité des conditions météorologiques prendra de l’ampleur dans nos zones de terres agricoles, ce qui obligera les agriculteurs à cultiver des produits hautement tolérants à la chaleur, en plus, ou au lieu, des cultures classiques, comme le blé.
La rareté des ressources, la croissance de la population et le changement climatique continueront de mettre en péril nos terres agricoles. Le futur agroalimentaire doit consommer moins de terre et d’eau et polluer moins, tout en répondant à la demande alimentaire d’une population mondiale en constante croissance, et ce, dans des conditions climatiques de plus en plus instables.
La solution ?
Il existe une solution pouvant contrer ce problème : l’agriculture urbaine (AU). Se définissant comme la culture, la transformation et la distribution d’aliments à l’intérieur d’une ville. L’AU se décline en deux types :
- l’agriculture en milieu contrôlé, comme les fermes verticales et les serres, mettant à profit des méthodes de culture utilisant moins de terre, par exemple, la culture aquaponique, hydroponique et aéroponique ;
- l’agriculture en milieu non contrôlé, comme les jardins communautaires, les infrastructures vertes et les toitures-jardins.
L’agriculture urbaine nécessite de 10 à 20 fois moins de terrain et de 70 à 95 pour cent moins d’eau que l’agriculture rurale. Elle peut par ailleurs éliminer le recours aux pesticides, aux herbicides et aux insecticides et potentiellement produire des cultures durant une année complète.
Une occasion de favoriser la croissance
Les municipalités jouissent d’une position unique de capitaliser sur les avantages diversifiés de l’AU. En effet, on constate qu’elle contribue à réduire la criminalité, favorise une meilleure cohésion sociale et crée des emplois. Des études indiquent qu’à Toronto, il existe près de 6 200 hectares de toits et de corridors inutilisés qui, s’ils étaient mis à profit pour l’AU, feraient économiser à la Ville environ 37 millions de dollars par an en coûts d’infrastructure, tout en assurant une diminution des dépenses en climatisation pour les entreprises et les résidents.
En outre, l’agriculture urbaine crée des emplois et réduit le taux de chômage. À Détroit, dans l’État du Michigan aux États-Unis, il a été démontré que si 20 pour cent des aliments frais étaient cultivés en ville, cela créerait 4 700 emplois rapportant du même coup 20 millions de dollars US en impôt.
Qui plus est, les experts expliquent que l’AU sera essentielle pour réduire les problèmes croissants d’inégalité alimentaire, en fournissant des produits frais à bas prix pour les familles à faible revenu. La stabilité de la production et de l’approvisionnement de produits alimentaires, actuellement compromise en raison de l’instabilité météorologique et climatique comme les sécheresses, les feux de forêt et les inondations, pourrait aussi être sécurisée grâce à l’agriculture urbaine.
À l’heure actuelle, 60 pour cent des importations alimentaires canadiennes proviennent des États-Unis, ce qui signifie que les sécheresses en Californie et dans le Mid-Ouest auront aussi des effets sur la population canadienne. Sachant que l’Ontario, la province la plus populeuse du pays, importe 50 pour cent plus d’aliments qu’elle n’en exporte, nous pouvons affirmer sans hésiter que si nous continuons de compter sur la production alimentaire des régions vulnérables qui subissent l’incertitude climatique, notre sécurité alimentaire sera bel et bien compromise.
Bon pour les affaires également ?
Sur le plan de l’immobilier, l’agriculture urbaine sous forme de jardins communautaires, augmente le prix de vente des propriétés situées dans un rayon de 300 mètres (1 000 pi), bonifiant leur valeur totale de 2 millions de dollars par jardin. Non seulement l’AU accroît la valeur des propriétés, mais lorsqu’elle se déploie sous forme de toitures-jardins, d’enveloppes de bâtiment écologiques ou de murs végétaux, elle améliore la qualité de l’air intérieur, réduit la consommation énergétique en abaissant les frais de chauffage et de refroidissement de 20 à 40 pour cent, améliore le bien-être des occupants, favorise une meilleure cohésion sociale et rehausse l’esthétique des bâtiments. Par exemple, en Australie, l’entreprise Ernst & Young a réaménagé ses parcs de stationnement en ferme urbaine, alors qu’à Toronto, de grands promoteurs immobiliers comme Daniels Corporation manifestent leur intérêt à construire des jardins sur les toits.
Des villes plus résilientes
Si l’agriculture urbaine faisait partie intégrante des centres-villes et était adoptée dans la conception et la construction d’infrastructures, cela réduirait : la pollution, favoriserait la conservation des ressources, améliorerait le rendement des cultures, assurerait la sécurité alimentaire, favoriserait le captage et le recyclage des nutriments et de l’eau de pluie, réduirait la distance kilomètre-assiette, les déchets et l’emballage, améliorerait la biodiversité, réduirait la température des îlots de chaleur urbains jusqu’à 2 degrés Celsius, retiendrait l’excès d’eau de ruissellement, améliorerait la qualité des sols et de l’air et emprisonnerait le carbone, ce qui diminuerait notre empreinte écologique. Qu’il s’agisse des municipalités, des propriétaires de bâtiments, des promoteurs immobiliers, des établissements universitaires, des hôpitaux et des centres de soins de santé, des organismes de protection de l’environnement, des organisations à but non lucratif, des ministères et bien d’autres encore, tous bénéficieront d’une telle approche.
Si elle est adéquatement conçue et mise en œuvre, l’agriculture urbaine pourrait faire économiser aux villes canadiennes des centaines de millions de dollars en investissements dans les infrastructures et en demande énergétique, et constituerait un énorme pas pour se préparer à un avenir qui sera marqué par les pénuries d’eau potable et l’insécurité alimentaire.
Bibliographie :
- Blue Economy Initiative
- Canadian Geographic
- CAPI - Alberta Innovates
- CBC-Ontario Food Imports
- Comparison of Land, Water, and Energy Requirements of Lettuce Grown Using Hydroponic vs. Conventional Agricultural Methods, World Watch - Livestock and Climate Change
- National Geographic - How Netherlands Feeds the World
- PARC-Cimate Scenarios for Alberta
- StatsCan
- StatsCan-Food in Canada
- The Effect of Community Gardens on Neighboring Property Values
- The Globe and Mail - How to Feed a Hungry City
- The Globe and Mail - Urban Agriculture may be Inefficient but its a Model for a Sustainable Future.
- The Weather Network
- Transition from Conventional Agriculture to High-Tech Urban Food Production System
- Urban versus Conventional Agriculture
- Vacant Lots to Vibrant Plots, Urban versus Conventional Agriculture
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